Un jour, un chercheur à l’Université de Madrid a fait une découverte étrange : une publicité sur son fil d’actualité est apparue, indiquant explicitement son orientation sexuelle, alors même qu’il ne l’avait jamais renseignée sur son profil. C’est alors qu’il décide de réaliser une enquête, parue récemment, sur les critères de ciblage de la plateforme en Europe.
Il en découle un chiffre saisissant : 65% des Français ont été ciblés en fonction de données dites « sensibles ». « Sensibles » selon un groupe de chercheurs experts en matière de confidentialité et de vie privée, qui a identifié les catégories de ciblage les plus intimes : orientation sexuelle, politique, appartenance religieuse ou ethnique… Des catégories qui en disent plus sur vous, bien qu’elles soient noyées parmi des catégories de ciblage plus dérisoires – alimentation, goûts musicaux etc… Si vous prenez peur, vous pouvez consulter dans vos préférences publicitaires sur Facebook les intérêts à partir desquels vous êtes ciblés, et vérifier de vous-même !
Jusque là, vous connaissez le principe : vous utilisez gratuitement les plateformes comme Facebook ou Twitter, mais en échange, celles-ci vendent vos données aux entreprises pour mieux pouvoir vous cibler. Certains y voient une anomalie, et estiment que la valeur des données transmises à ces plateformes vaut bien davantage que leur gratuité.
C’est le point de départ du débat qui agite les experts cette semaine : que faire de nos données ? Pour certains, il s’agirait de redistribuer l’argent perçu par les plateformes aux utilisateurs, comme un impôt sur la propriété, dans l’idée que les bénéfices leur reviennent. Pour d’autres, il s’agirait de vendre librement ses données aux plateformes via un contrat, laissant chacun maître des informations qu’il souhaite divulguer. Du même coup, ces plateformes deviendraient payantes pour ceux qui ne veulent pas faire cette démarche. Dans tous les cas, une prise de conscience opère sur la valeur des données, et la manne d’or qu’elles constituent…
Une chose est sûre, l’univers de la start-up en fait rêver plus d’un. De l’aspirant entrepreneur né à l’étudiant en école de commerce, tous s’imaginent en futur Zuckie-maître-du-monde. Une image très reluisante qui cache une réalité plus nuancée. Cette semaine, le Monde se penche sur les laissés pour compte de cette sphère haute en couleurs, en rappelant à juste titre que seulement 10% des jeunes pousses passent la cinquième année.
Pour les autres, elles ne survivent en moyenne pas plus de deux ans. Deux ans d’espoirs, mais aussi de galères administratives, de recherche d’investisseurs, de sillonage des salons prévus à cet effet, qui empêchent souvent de se concentrer sur le développement de leur structure. Certains ont tout perdu, d’autres ont décidé d’apprendre de leurs échecs et de le partager, ou encore de se relancer dans une aventure qui leur coûte mais qui ne manque pas d’adrénaline. Avec le même souhait : stabiliser un modèle économique au risque de ne plus se faire appeler « start-up », terme qui renferme tant de fantasmes mais aussi de fragilité.
À en voir l’actualité, on se demande si un jour les scénaristes de Black Mirror ne seront pas en panne d’inspiration, tant la réalité dépasse la fiction. C’est en tout cas le sentiment qu’on a à la suite des révélations concernant l’entreprise californienne « Palantir Technologies » (dont même le nom évoque déjà une série). Celle-ci a été mandatée par la police pour effectuer un travail de prédiction du crime dans la ville de la Nouvelle-Orléans.
L’objectif ? Concevoir une une IA capable, à partir de données comme les casiers judiciaire, les réseaux sociaux, les fréquentations des citoyens, leurs intérêts et leurs comportements quotidiens de prédire les chances d’être l’auteur ou même la victime d’un crime ou d’un délit. Une opération de longue haleine, puisque celle-ci s’est étendue de 2012 à 2018… Sans même que les responsables municipaux soient mis au courant. A priori, l’ambition est de prévenir les déplacements des personnes mal intentionnées et de sécuriser la population. Mais tout comme dans Black Mirror, souvent, les intentions les meilleures finissent par être les plus douteuses…
Et si notre mort en ligne signifiait notre renaissance en IRL (in real life) ? C’est le présupposé plutôt poétique du réseau social « Die With Me« , qui fait du bruit cette semaine. Le principe ? L’application s’active uniquement lorsqu’il vous reste 5% de batterie, et vous met en contact avec les personnes à proximité de vous qui sont dans la même situation pour entamer une discussion façon « fin du monde ».
Vous n’avez besoin que d’un pseudonyme et d’autoriser l’accès à vos données de batterie. L’ambition est de pouvoir se rencontrer dans la foulée, en profitant de l’inertie de notre smartphone pour privilégier une interaction dans la vraie vie. Un « projet d’art » selon le créateur de l’application, dont l’ambition était clairement d’esthétiser ce qui nous semble la plupart du temps insupportable : le manque de batterie. Et de tordre le cou au passage au cliché selon lequel lorsque notre téléphone est éteint, notre sociabilité disparaît…